MAREE BLANCHE

Nous avions vu s’échouer des tonnes de cocaïne sur nos plages. Les rumeurs allaient bon train : des surfeurs, des pêcheurs, qui auraient trouvé des paquets de plusieurs kilos… Comme tout le monde au village, je me suis surpris à me poser cette question : que ferais-je si je tombais, moi aussi, sur un paquet gros comme une boîte à chaussures, valant autant qu’une belle maison à Lacanau ?

En quelques jours, les plages s’étaient « fermées ». Le paisible décor de mon quotidien s’était métamorphosé en théâtre d’ombres : patrouilles de gendarmes et de policiers, courses nocturnes dans les dunes, 4×4 retournés sur le sable détrempé, silhouettes inquiétantes arpentant la côte en pleine tempête.

Un soir, je me suis assis devant mon ordinateur. J’ai commencé par décrire ce décor familier, la descente à travers la forêt depuis mon hameau jusqu’à l’océan. J’ai pris plaisir à peindre ces lieux que j’aime tant, à les fixer par les mots. Le lendemain, j’ai décidé de m’effacer derrière un personnage : Tao. C’est à partir de lui que la fiction a vraiment commencé.

LA MUE

Sur les rives du lac de Lacanau se dresse une villa iconique, connue sous le nom de maison du commandant. Elle porte ce surnom depuis 1917, lorsqu’elle abrita la toute première base de l’US Navy en France, dédiée à l’entraînement de ses pilotes d’hydravions.

Au détour d’un ouvrage de René Magnon consacré à ce sujet, je suis tombé sur un détail saisissant : le prix de vente de cette villa aux Américains. 5 000 francs, alors que la société immobilière canaulaise l’avait estimée à 30 000. De là à imaginer que, dans la confusion de la Première Guerre mondiale, certaines affaires plus ou moins opaques aient profité à quelques-uns, il n’y avait qu’un pas.

Alors j’ai rêvé de ce que pouvait être le Médoc au début du siècle dernier : ses étendues sauvages, ses forêts profondes, son lac encore plus solitaire qu’aujourd’hui. Et j’ai songé à ces jeunes Américains, issus pour la plupart de familles aisées, découvrant soudain cette contrée rugueuse, aux antipodes de leur confort d’origine. Quelle impression leur fit ce coin de France, ce rivage brut, quand ils y posèrent le pied pour la première fois ?

RESSAC

J’aime flirter avec le surnaturel, et je suis particulièrement sensible à ce côté marécageux, presque bayou, que prennent parfois certains recoins de Lacanau et du Médoc. Dans Ressac, j’ai choisi d’amplifier ce trait. J’ai imaginé un Médoc d’un futur proche, marqué par une succession d’hivers diluviens et d’étés caniculaires, jusqu’à se transformer en une sorte de Louisiane moite et sauvage.

C’est dans ce décor que j’ai inscrit le retour de Tao et Ria, pour donner une suite à Marée Blanche. Entre magie et marais, j’ai voulu peindre un Lacanau décrépit, étouffé sous une chaleur lourde, où chaque souffle semble chargé d’ombres et de présages.

J’ai également choisi de m’éloigner de l’intrigue centrée sur la drogue pour explorer une dimension plus large, tout en conservant les personnages de Marée Blanche. Le principal « méchant » de l’histoire y trouve naturellement sa place. Lui, comme les autres, subit le ressac, ce retour de vague, ces remous imprévisibles, que Tao avait déclenchés dans le volume précédent.

VIBRATIONS

J’ai monté mon premier groupe de musique à quinze ans. Trente ans plus tard, je suis devenu musicien professionnel. Entre ces deux moments, il y a eu une importante partie de ma vie consacrée aux sons, aux scènes, aux rencontres, aux voyages. J’ai souvent réfléchi à la musique sous toutes ses formes : ce qu’elle suscite, ce qu’elle transporte, ce qu’elle laisse en chacun de nous. J’en ai joué un peu partout où mes pas m’ont conduit, du bar de quartier aux plages lointaines, des petites salles aux festivals.

Avec Vibrations, j’ai voulu rassembler toutes ces expériences éparses. L’idée est celle d’un puzzle : chaque nouvelle aborde un aspect particulier de la musique, sa création, sa transmission, son écoute, sa mémoire et toutes se rejoignent dans le dernier texte, comme une mélodie qui trouve enfin son refrain.

C’est aussi, pour moi, une nouvelle étape. Après avoir exploré l’univers du thriller, j’ai eu envie d’écrire de manière plus intime, plus directe, en puisant dans ma propre expérience et dans mon cheminement musical. Une manière de mettre en récit non seulement ce que je joue, mais aussi ce que je vis et ce que je ressens à travers la musique. J’ai joué plus de cinquante concerts dans l’été 2025 et j’ai profité de cette immersion musicale pour rédiger Vibrations. J’étais dans le sujet.